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A ne plus y croire !

Presque chaque jour apporte sa dose de manipulations et tromperies de toutes sortes, de fraudes diverses et variées. Une liste exhaustive relèverait de la gageure : viande de cheval vendue pour de la viande de bœuf comme si, à son tour, cette dernière était une garantie d’origine, de traçabilité et de qualité ;  hallal contenant de la viande de porc ; matchs sportifs dont il faut souligner que certains ne sont même pas truqués ; stars de la TV et d’ailleurs rétribuées tels des princes pétroliers, et qui se comportent comme tels ; méga-entreprise automobile annonçant des pertes sidérales qui font craindre pour son avenir…  mais qui sont en réalité des prévisions comptables de pertes éventuelles, tout en entretenant à merveille  le climat actuel d’insécurité des salariés et de « modération » des revendications ; pots de vin qui gangrènent systématiquement les marchés dits publics et l’intérêt supposé général ; des milliards empochés par des actionnaires et précarité de masse en constante augmentation ; des partis de gauche qui entendent gérer au mieux une politique qu’il est difficile de différencier d’avec celle des partis de droite…

Telle est la source intarissable d’un certain désabusement répandu auprès de larges couches de la population. Sentiment complexe, en vérité. Le désabusement relève à la fois d’un ordre individuel, puisque des sujets en chair et en os en sont atteints, et d’un ordre collectif, parce que des groupes étendus, voire des couches sociales en sont porteurs. Le désabusement relève d’un registre psychique autant que d’un registre idéologique, – sans qu’on puisse faire la part de l’un et de l’autre. Ce sentiment relève d’un rapport à soi, aux autres, au monde tel qu’il va, à l’univers qui se profile. Les logiques économiques sont loin d’être seules en cause. Bref, l’affaire est grave, très grave.

Ne plus y croire énonce une posture existentielle sans doute désespérée, quoique à sa manière assez cohérente et rationnelle. Surtout parce que le remède imposé en Europe – austérité des dépenses, alourdissement des rentrées fiscales, abandon de larges pans de souveraineté nationale  – apparait de moins en moins comme une solution crédible ; d’ailleurs, si nombreux, très nombreux sont désignés pour supporter l’austérité, des minorités sans états d’âme en bénéficient férocement (cf. plus haut).

Que faire pour ne pas céder au désabusement, au ressentiment, à l’issue populiste et réactionnaire ainsi induite ? Un début de réponse se trouve dans l’exclamation : « à ne plus y croire ! ». Car, pourquoi croire, pourquoi fonctionner à l’évidence, pourquoi juger le monde à partir de ce qu’il est censé être, et non pas l’analyser, tenter de l’analyser, à partir de ce qu’il est de fait ? Les fraudes sont aussi inadmissibles que la croyance d’après laquelle il s’agit d’incidents et pas de structures sine qua non de notre système de vie… Pas question de justifier quoi que soit, mais de comprendre que le désabusement l’est de certaines illusions à propos du monde où on supposait vivre, de nous-mêmes et d’autrui. Le plus intéressant, le plus prometteur dans les croyances déçues est la mise à nu de ce qu’elles sont: des illusions, justement. C’est alors que les combats réels peuvent enfin avoir lieu, sans spectateurs, mais avec des protagonistes qui essayent de ne pas trop s’en laisser conter.

Saül Karsz – Mars 2013

Cet article A ne plus y croire ! est apparu en premier sur Pratiques Sociales.


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